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ROBERSART

 

EN 1937, 65 ANS DE MARIAGE

 

Le 18 mai 1937, on peut lire un article, dans « l’Echo du Nord », sur  les époux  Bon-Rivière : « à Robersart, près de Landrecies, les époux Bon-Rivière comptent 65 ans d’union ».

Sans les quelques pylônes en ciment qui soutiennent les lignes électriques courant le long de l’unique rue villageoise, ne croirait-on point que le temps, ici, n’a pas coulé ?

Robersart, avec ses quelques chaumières carapaçonnées  de mousse  éclatante, est comme une oasis de sérénité, à l’orée de la grande forêt de Mormal.

Tout n’y semble-t-il pas encore comme à l’époque où le père Aza Bon y taillait, y burinait ses premiers sabots, car à l’origine, selon la patriarcale tradition, il était sabotier !

Le père Bon est le Mathusalem du pays, de ce pays de 190 âmes, où la vieillesse n’est pas une rareté, ni une exception.

Un bon vieux ménage d’antan, si typiquement identique en bien des points, à tous ceux que nos lecteurs, depuis quelques jours, ont eu la bonne fortune de voir défiler devant leurs yeux.

Aza Bon (n’est-il pas charmant ce vieux joli prénom ?) vit le jour en bordure même de cette forêt dont il ne devait jamais s’éloigner. Bermeries fut son berceau le 27 juillet 1845.

D’artisan sabotier - et après de difficiles économies - il devint cultivateur ; cultivateur est trop dire. Imaginez plutôt, pour être dans la note, une sorte de terrien indépendant, mais qui, parce que l’on veut l’être encore plus, consent de temps à autre à « se louer » et, ces jours-là, devient encore un bon journalier ! C’est ainsi que l’on « amassait » jadis.

Le 10 août 1872 - la fameuse campagne du père Aza Bon terminée - il épouse Melle Joséphine Rivière, une fille de Bousies qui avait vu le jour, le 28 novembre1849.

Bientôt 65 ans d’union ! Trois enfants : deux filles, un garçon, encore en vie aujourd’hui.

Si vous vous présentez un jour à l’improviste chez les vieux Bon, il est presque certain que  vous trouverez Mme  Bon en train de « ravauder » quelques fichus de laine ou quelques chaussettes.

Quant au père Aza, vous le verrez non loin de sa vieille compagne des bons comme des mauvais jours, et vous ne vous étonnerez pas s’il soliloque malgré votre présence. Il affectionne comme tout bon vieux, de remâcher ses plus anciens souvenirs.

 M. Potier, maire du pays, en fut depuis longtemps le dépositaire fidèle. Il est possible que papa Bon soit quelque peu effarouché par votre présence. Alors il restera coi ou sera moins loquace qu’à l’ordinaire. En ce cas, consultez Monsieur le Maire !

Vous apprendrez ainsi à réviser votre histoire et la petite histoire du père Bon s’insèrera tout naturellement dans la grande, soyez-en sûr, sans la ternir ni la rabaisser.

 

Des noms de bataille sonneront à vos oreilles : Saint-Privas, Gravelotte, Metz, …

Saint-Privas ? N’est-ce pas là-bas qu’il chargea un escadron d’Uhlans, qu’il en sabra deux et qu’un troisième, le menaçant, l’aurait fait passer de vie à trépas, sans l’intervention du « trompette » doublé d’un rude sabreur ? Ce « trompette », combien de fois on en parla à Robersart ? Sans lui, le père Bon ne serait plus à fumer sa pipe en toute sérénité.

Il vous parlera aussi de son temps de captivité en Prusse : une année terrible et qui compte dans une vie, ceci après la reddition de Metz.

Pour l’heure et malgré ses 92 ans, papa Bon est encore « un peu là ». Bon estomac, bonne humeur. Mme Bon, de quelques années plus jeune, fait encore figure de bonne ménagère et entretient par ses propres moyens le logis. Une petite fille du vieux couple, Mme veuve Audoux, habite le même corps de bâtiment et intervient chaque fois que cela est nécessaire ; mais le valeureux ancien cuirassier de l’armée de Bazaine et sa dévouée compagne ont encore de l’avenir devant eux.

C’est le plus cher vœu de tous ceux qui les connaissent et qui ne peuvent qu’envier pour eux-mêmes, une vieillesse aussi lucide.

 Merci à Mr Edmond Carlier (ancien maire et habitant le village) de m’avoir remis cet article ; son épouse, Hélène, était la petite fille des époux Bon-Rivière.

Edmond Carlier et Reynald Gaïda