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Le démantèlement des remparts de Landrecies

 

Au cours de son histoire, Landrecies a subi de nombreux sièges, a changé plusieurs fois de nationalité. Les fortifications ont évolué au cours des siècles, selon les nécessités militaires.

La guerre de 1870-1871 avait montré qu’à la rigueur, les fortifications anciennes pouvaient encore faire bonne figure devant l’artillerie, mais celle-ci ne tarda pas à se transformer. En effet, au canon lisse avait succédé le canon rayé, dont le tir était plus précis et la portée plus longue. Nos villes fortifiées, assises, en général, dans une cuvette, sur les berges d’un cours d’eau, devenaient des cibles faciles à atteindre de loin, pour le plus grand dommage de la population civile et de ses biens.

De plus, à la même époque, l’importance des armées permanentes faisait prévoir, qu’en cas de guerre, la destinée des nations se réglerait en rase campagne dans des combats pour lesquels il faudrait disposer d’effectifs de plus en plus grands, d’où la nécessité de réduire le nombre des places fortes dans lesquelles des garnisons importantes auraient été immobilisées.

C’est pourquoi le 27 mai 1889, une loi déclassait les vieilles places jugées inutiles ! Elle allait être suivie de plusieurs autres qui en imposeraient le démantèlement. C’est ce qui arriva pour Valenciennes en 1890, pour Douai et Arras en 1891, pour Saint-Omer en 1892, pour Aire et Bouchain en 1893, puis pour Landrecies le 13 septembre 1894.

Les travaux de démantèlement commencèrent en 1895 et se poursuivirent pendant de longs mois. On abattit les arbres des glacis et on rasa les murailles. Les grès et les pierres furent enlevés des maçonneries pour être réutilisés. Les fortifications elles-mêmes furent bouleversées à l’aide d’explosifs et les terres des parapets furent charriées dans des wagonnets pour combler les fossés.

Pendant ces travaux, on découvrit de nombreux souvenirs des sièges passés : des boulets, des bombes, des grenades en entier ou en éclats et des armes. Des vestiges des fortifications furent mis à jour. C’est au château que les découvertes furent les plus intéressantes, comme par exemple ses soubassements originels.

Le 4 octobre 1895, les terrassiers rencontrèrent, derrière le revêtement de la façade droite du bastion du château, une antique couleuvrine (actuellement exposée au musée de Landrecies).

 

Le journal « le Temps » dans son numéro du 19 juillet 1894, contenait l’entrefilet suivant :

« Le démantèlement de Landrecies : la Chambre a adopté hier le projet de loi en vertu duquel la petite et glorieuse place de Landrecies sera démantelée. C’est la dernière des places de la « ceinture de fer » de Vauban, non transformée depuis la guerre, qui va disparaître. Déjà Saint-Omer, Aire, Montreuil, Douai, Valenciennes, Avesnes, Bouchain et Cambrai ont disparu de la liste des places fortes. Il ne reste plus que Dunkerque, Bergues, Lille, Maubeuge et Le Quesnoy, qui, sauf cette dernière, réduite au rôle de fort d’arrêt, sont devenues de grands camps retranchés.

Depuis la création des chemins de fer, qui ont fait de Maubeuge et Hirson les points vitaux de la frontière du Nord, depuis que l’artillerie a atteint de grandes portées, Landrecies au fond de sa vallée, dominée de toute part, n’avait plus aucune valeur. Mais, pendant la succession d’Espagne et la Révolution, sa résistance permit à nos armées de se renforcer et d’arrêter l’ennemi. Aussi ne la verra-t-on pas disparaître sans quelque regret devenue inutile, et même dangereuse. Mais il faut espérer que la municipalité gardera quelque chose, porte ou débris, qui rappellera l’héroïque passé de Landrecies. Passé qui n’est pas si loin de nous, puisque le 23 janvier 1871, les Allemands, après deux heures de bombardement, devaient abandonner l’attaque de la patrie de Dupleix. Depuis lors, le rôle militaire de Landrecies était terminé ; ce ne fut plus qu’une modeste ville de garnison où les régiments d’Avesnes, de Cambrai et de Maubeuge envoyaient des détachements ».

Si on fit disparaître les fortifications, on conserva heureusement à Landrecies, les casernes permettant d’abriter des hommes de troupes, pour défendre la frontière, en cas d’attaque, mais dans l’ensemble, la population regretta la disparition des remparts qui donnaient à la forteresse un caractère militaire, témoignage de son glorieux passé.

Source « Histoire d’une forteresse » de Philippe Fournez

Mario Papa