« Il est toujours délicat de caractériser une population et d’en faire un portrait conforme à la vérité. Nous allons donc donner nos appréciations personnelles, non sans quelques hésitations, sans doute parce qu’elles sont peu louangeuses. Notre longue cohabitation nous permet cependant de le faire et les faits ont souvent confirmé nos observations.
D’un point de vue des rapports sociaux, absence complète de charité, ignorance du don de soi, égoïsme… Jamais l’on n’entend un mot favorable à l’égard d’autrui. Discordes invétérées, haines au sein même des familles, rancunes perpétuelles… les gens de Fontaine sont par ailleurs hostiles aux étrangers venus s’établir dans la commune et qui ont réussi à faire fructifier les terres que l’incurie, l’inconduite et l’intempérance des « indigènes » avaient laissées dans un état lamentable. Peu de rapports avec les localités voisines, rancunes de clochers…
D’un point de vue religieux, absence presque complète de sens chrétien et de la foi catholique. La religion n’a guère de place dans la vie des gens de Fontaine. Indifférents à l’égard des dogmes, ils croient aux sortilèges, aux maléfices et à toutes les sottises de la superstition. Ils sont seulement empressés d’honorer les saints pour la préservation de leur bétail (Saint Laurent du Rosimbois, Saint Antoine du Bois L’Evêque).
Au point de vue des idées, c’est le « terre à terre » ; aucune élévation ni aspiration supérieure, absence d’idéal, âpreté au gain.
Au point de vue politique, en dehors d’une infime minorité, la masse est tout à la dévotion du pouvoir et de l’administration. Presque toute la population est pour la révolution. La politique a perdu un peuple qui était jadis pour l’ordre et la justice.
Au point de vue comportement, abord cauteleux, politesse calculée. Chez le peuple, c’est le fond qui manque le plus ; imprudent serait celui qui se fierait à lui (sic !).
Au point de vue moral, profanation systématique, entretenue, voulue, des devoirs et des obligations du mariage. Nombre calculé des enfants, d’où absence de joies sincères et tourments affreux provenant de l’unique héritier du nom et des vices… »
Diable ! Que voilà une peinture impitoyable de nos ancêtres, qu’il convient toutefois de tempérer à partir de deux critères.
Tout d’abord, rédigées par un tenant de l’église, ces appréciations ne brillent pas par leur objectivité, c’est le moins que l’on puisse dire, et elles ont un petit parfum de revanche…
Ensuite, dans cette France encore paysanne et pauvre, les habitants de notre territoire ne devaient pas être très différents de ceux des autres régions, la lecture d’autres ouvrages nous le confirme, qui font état des priorités de l’époque au jour le jour : se nourrir, se loger, se vêtir…
N’ayons donc pas trop de complexes et moins encore de honte à la lecture de ce témoignage d’époque sans concession, certes ; mais l’on peut se dire que, comme ailleurs, les progrès techniques tout autant que les progrès des idées ont permis aux Fontagnards, en deux siècles et malgré deux guerres, de sortir de l’obscurantisme et de la précarité.
Mais il n’est pas inutile de savoir d’où nous venons pour mieux apprécier où nous en sommes…Et félicitons-nous aussi de lire ci-après qu’il pouvait malgré tout y avoir à Fontaine du courage et du patriotisme, comme le registre paroissial le raconte…
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