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Libération de Landrecies

Témoignage anonyme (archive de la mairie)

Le dépôt de munitions était maintenant gardé par des militaires plus âgés. Les plus jeunes étaient sur les fronts. Un brave soldat allemand qui pouvait avoir une cinquantaine d’années faisait des rondes dans la forêt en vélo. Il s’arrêtait souvent à la maison. Il avait quitté son métier d’architecte à Munich et n’avait pas de nouvelles de sa famille. Il parlait bien le français.

Au mur, on avait installé une carte de France et au fur et à mesure de l’avance des armées alliées, on bougeait des petits drapeaux. Il regardait cela et disait « Allemagne Kapout » et parfois il pleurait. Ça lui arrivait d’écouter Radio-Londres avec nous.

En partant, il nous disait « surtout pas dire aux autres Allemands que moi venir ici pour écouter radio ». Ils se méfiaient les uns des autres.

Malgré son démantèlement de début d’année, le réseau OCM (organisation civile et militaire) continuait ses attentats contre les Allemands pour les gêner dans leurs déplacements de troupes et de matériel.

Les armées alliées se rapprochaient de notre région et dès le 1er septembre 1944 tous les résistants avaient ordre de se rendre au rassemblement d’un maquis à Montorgueil (commune de Floyon), avec les armes qu’ils possédaient en empruntant les petits chemins et à travers les pâtures.

Mon père est donc parti avec ma sœur. Je suis restée à la maison avec ma mère et mon frère. J’étais chargée d’aller prévenir les FFI de se rendre au rassemblement.

Plusieurs résistants sont passés par la maison pour avoir l’itinéraire à suivre. Le dernier qui est passé, je me souviens, était M. Manouvrier Omer. Nous avons appris par la suite qu’il avait été tué par les Allemands en se rendant à Montorgueil.

Les troupes occupantes commençaient à battre en retraite. Leur moral était au plus bas. On n’avait pas intérêt à les provoquer ni de se promener avec un vélo car ils avaient vite fait de le réquisitionner.

Je me souviens avoir vu passer devant la maison, des chariots pleins de soldats dont certains étaient blessés. Ils se dépêchaient de se mettre au couvert de la forêt pour ne pas être mitraillés.

Les premiers Américains sont entrés en ville le 4 septembre 1944.

Ils ont été stoppés par l’explosion du pont du canal. J’étais à la maison à ce moment-là, à quatre kilomètres environ du lieu de celle-ci. Toutes les vitres de la maison ont vibré par la déflagration. Pas  question de sortir de chez soi ! On entendait des canonnades un peu partout. Les chasseurs alliés sillonnaient le ciel. Les derniers Allemands se sauvaient par la forêt.

Le lendemain matin, je suis partie par la "chasse aux Mauviards" en me cachant le long des haies.

C’est là que j’ai vu les premiers Américains qui étaient postés le long des haies. Arrivée non loin de la ville, j’ai vu le désastre causé par l’explosion du pont. Il n’y avait plus d’écluse, les maisons de part et d’autre étaient démolies.

J’ai donc emprunté le pont de fer où les Américains étaient passés avec les chars. C’était le seul passage qui reliait la "ville basse" de la ville. Toute la ville était en effervescence.

Dès le premier septembre, la résistance locale regroupée à Montorgueil sous les ordres du capitaine Muraciole et du lieutenant Bouvier, s’était mise en marche sur Landrecies pour chasser les troupes allemandes. Il y eut des escarmouches à Happegarbes et plusieurs tués.

Malgré que la libération de la ville, il restait quelques Allemands postés en haut des peupliers se trouvant dans les marais de la Pescherie . Ils mitraillaient tous ceux qui tentaient de les approcher. Plusieurs résistants qui avaient empruntés le lit du canal en remontant vers Ors (le canal était à sec après la destruction des écluses et des siphons) furent tués en voulant les approcher. La résistance a du faire appel à l’armée américaine et à l’intervention des chars pour les déloger de là.

Après leur capture, tout danger était écarté. Les gens sont sortis de chez eux pour acclamer leurs libérateurs. Des drapeaux français flottaient aux fenêtres. Les soldats nous donnaient du chewing gum, du chocolat, des cigarettes. On était heureux d’être enfin libres après quatre années d’occupation.

Le réseau OCM s’est installé à la caserne Clarcke. Leur QG se trouvait précédemment à l’école de Fontaine-au-Bois. Ils aidaient les troupes alliées à surveiller les prisonniers allemands, à garder les munitions, etc...

Par la suite, certains sont repartis chez eux et d’autres, parmi les plus jeunes, ont contracté un engagement dans l’armée française pour continuer à poursuivre l’opprimant et libérer la France.

Elle a été bien fêtée cette libération ; il y eut des bals partout. Mais la vie continuait, il fallait parer au plus pressé.

Afin d’avoir un accès praticable à la ville basse, il a été procédé à l’installation d’une passerelle en bois sur l’écluse, partant du quai du Pont Rouge pour aboutir rue du Quesnoy ; ceci avant de transporter le pont de fer sur deux péniches pour l’amener près du pont démoli.

Il ne fallait pas croire que c’était l’abondance après la libération : nous avons perçu des tickets de rationnement jusqu’en 1947.

Dès la libération des caps, il y eut le retour des prisonniers qui avaient passé cinq ans dans les stalags et aussi des déportés. Les derniers étaient dans un état de maigreur incroyable. Ils n’avaient que la peau sur les os suite aux mauvais traitements qu’ils avaient subis. Malheureusement Melle Godart n’a pas eu le bonheur de retrouver son pays ; elle est décédée dans un train sanitaire sur le chemin du retour.

Après la libération, M Paul Henri Plantain  a été condamné à mort, puis de remise en remise, il a été gracié, puis libéré.

Document anonyme retrouvé en mairie de Landrecies par Mario Papa -

l'auteur se reconnaîtra peut-être...