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MAROILLES
Maître Charles-Hippolyte Paillard, historien maroillais

La Colombière

Décédé le 17 novembre 1881 dans sa maison familiale de La Colombière, Maître Charles-Hippolyte Paillard, notaire honoraire, chevalier de l’ordre de Léopold de Belgique, officier d’académie, a laissé un nom dans l’histoire de la ville de Valenciennes. Il avait hérité de la demeure maroillaise après le décès en 1867 de son beau-père Joseph Vendois, médecin et député de l’Avesnois de 1848 à 1851, fils de Nicolas Vendois, l’ancien maire de la commune sous la Révolution, qui l’avait faite construire en 1789.

Un mariage qui le fera citoyen de Maroilles
Charles-Hippolyte Paillard est né à Valenciennes, au 26 de la rue Capron, le 19 décembre 1823. Il est le fils d’Hippolyte Paillard (né à Etaples en 1788), notaire, juge de paix, conseiller d’arrondissement, et d’une Maroillaise, Henriette Vendois, fille du maire Nicolas Vendois, qu’il a épousée à Maroilles en 1822. Personnalité valenciennoise, Hippolyte reçut dans sa maison le futur Louis-Philippe en 1815, puis le roi de Prusse en 1816. Dans la famille Paillard, on est catholique royaliste ! Au contraire de la belle famille maroillaise, républicaine convaincue depuis 1789 ! L’histoire ne dit pas si l’on parlait politique à table…
Brillant collégien, Charles obtient le grade de bachelier ès lettres avant d’aller étudier le droit à Paris. Il en reviendra licencié. A 23 ans, il épouse, à Maroilles, le 14 mai 1846, sa cousine née en 1825, Mélanie Vendois, fille du docteur Joseph Vendois, alors conseiller d’arrondissement. A cette époque, Charles est avocat. Il n’entrera en notariat que le 28 février 1849. Si sa loyauté professionnelle est reconnue de tous, elle ne suffit pas à le combler. Ce caractère curieux s’évadera vers des horizons littéraires et artistiques dès 1853.

Historien par passion
Il a commencé à publier à Valenciennes ses « Etudes sur la Révolution française » (il y défend la Monarchie, évidemment !) puis « Huit jours en Hollande, lettres à un ami » en 1864. Ses talents de littérateur sont déjà remarqués. Dès sa mise à la retraite, le 11 avril 1872, il vient résider à Maroilles, séjournant l’hiver à Bruxelles où il dépouille les archives du royaume belge. Il y côtoiera les principaux savants de Belgique, parmi lesquels les moines Bollandistes. Il consulte également les archives nationales à Paris, rencontre le chevalier d’Arneth, archiviste autrichien. Les documents récoltés serviront à l’édition en 1874 d’un recueil intitulé « Considérations sur les causes générales des troubles des Pays-Bas au XVIe siècle d’après les correspondances du temps » puis, en 3 volumes, une « Histoire des troubles religieux de Valenciennes 1560-1567 ». Dans ses ouvrages, quoique bon catholique, il ne condamne ni la révolte des protestants ni le fanatisme des calvinistes. Impartial, il les explique par la tyrannie des gouvernants espagnols et la brutalité du duc d’Albe alors responsable d’une répression sans pitié envers les tenants du culte réformé. Pour Charles, « si, au contraire, on reporte les yeux vers les victimes, on se sent pénétré pour elles d’une profonde et sincère pitié ». L’intolérance de l’église catholique des années 1870 est inflexible. Les protestants resteront à jamais pour elle des « gueux ». D’où une violente querelle autour de son étude à travers les livres des historiens valenciennois E. de Coussemaker et Emile Carlier. Sa bonne foi sera reconnue, et il continuera à publier, « Les Maubrulez, pièce historique en deux journées » en 1875, et « L’école historique valenciennoise et la légende des Herlin » en 1876.
De 1877 à 1880, Charles édite 6 volumes, « Huit mois de la vie d’un peuple, les Pays-Bas du 1er janvier au 1er septembre 1566 », « Documents relatifs aux projets d’évasion de François 1er, prisonnier à Madrid », « Le voyage de Charles-Quint en France en 1539-1540 », « Voyage dans les Pays-Bas et maladie d’Eléonore d’Autriche, femme de François 1er - 1544 », « Additions critiques à l’histoire de la Conjuration d’Amboise » et « Procès du chancelier Hugonet et du seigneur de Humbercourt » dans lequel, il dresse un portrait original de Charles le Téméraire. Lauréat par deux fois à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, ce spécialiste du XVIe siècle sera chargé de mission par le gouvernement français à Bruxelles en 1880.

Une mort prématurée
Cet amateur de grande musique, de peinture et d’arts plastiques (il collectionnait les gracieuses porcelaines de Valenciennes, celles de son compatriote maroillais Lamoninary peut-être) s’épuisa au travail. Il achevait une histoire du siège de Valenciennes 1566-1567, lorsqu’il fit une chute qui lui fut fatale ; fatigué, il ne s’en remit pas. Pour cet amoureux de son village d’adoption, particulièrement de l’église et de la chapelle Notre Dame des Haies, les Maroillais prendront publiquement le deuil, estimé qu’il était pour son amabilité, sa serviabilité et « ses charités envers les pauvres ». A ses funérailles, l’on vit des magistrats, des savants, des religieuses, le conseil municipal de Maroilles au complet, les écoles et toute la population du bourg. Les larmes des pauvres furent plus éloquentes que son oraison funèbre, rapporte un ami anonyme auteur d’une biographie publiée à Valenciennes peu après. Sa tombe est toujours visible dans l’allée centrale de notre cimetière communal.

Hervé Gournay, Société Historique de Maroilles