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Landrecies
Comment la statue de Dupleix, fierté des Landrecies, a été sauvée
pendant les deux conflits du vingtième siècle
Le sauvetage en1939-1945 (suite)

En 1940, l'armée allemande de nouveau envahit la ville. Cette fois, c'est le fils, M. André Bonnaire, qui préside aux destinées de la ville. La statue est toujours là.
Le 21 janvier 1942, une lettre de la Préfecture du Nord informait la municipalité que le Secrétaire d'Etat à la jeunesse et à l'éducation nationale avait décidé l'enlèvement du monument Dupleix à Landrecies et son remplacement par un autre monument en pierre.
Le 1er février 1942, le Conseil Municipal se réunit et la délibération suivante fut envoyée au Préfet du Nord. La voici dans son intégralité :
« Le Conseil Municipal, réuni sous la présidence de M. André Bonnaire, ce jour 1er février 1942, après connaissance de la lettre de M. le Préfet du Nord en date du 21 janvier 1942 concernant l'enlèvement de la statue de Dupleix érigée sur la Grand-Place de Landrecies, tout en étant respectueux des ordres donnés, le Conseil, douloureusement ému, ne peut qu'élever une protestation énergique contre cette décision.
Erigée en 1888 par le sculpteur Fagel, cette statue a une portée historique sans précédent. Elle fut élevée par souscription nationale et est unique en France. Dupleix est un grand Français qui a sacrifié sa vie et sa fortune pour nous donner l'Empire des Indes, passé aujourd'hui aux mains des Anglais.
Enlever Dupleix aux Landreciens, c'est renier le passé d'une cité historique qui a subi dix-sept sièges et fut décorée de la Légion d'honneur en 1900 et de la croix de guerre en 1918.
La population ne comprend pas et ne comprendra pas que les Allemands ont respecté cette statue pendant l'occupation 1914-1918 et que quelques Français décident son enlèvement aujourd'hui.
Son remplacement par une statue en pierre est irréalisable.
Le Conseil Municipal de Landrecies espère que la décision prise n'est pas définitive et que vous donnerez tout votre appui pour que la statue de Dupleix reste à Landrecies et aux Landreciens ».
Toute la population signe une pétition, la Commission historique du Nord est saisie de la question. M. le chanoine Détrez donne son appui dans une lettre mémorable. Il dit entre autres : « Puisque le temps presse et que les vandales sont à nos portes ».
Mais la direction des Beaux-arts, dans sa lettre du 20 février 1942, maintient son point de vue. Les événements se précipitent et le 9 mars 1942, le directeur de Lille envoie l'ordre formel :
« J'ai chargé M. Nairaince, entrepreneur, d'effectuer la dépose du monument Dupleix et j'ai chargé M. Luez, entrepreneur à Englefontaine, d'effectuer le transport de ce monument ».
M. André Bonnaire convoque aussitôt les deux hommes à son bureau. Il est décidé que la statue serait déboulonnée, mais ne quitterait pas Landrecies. Un troisième homme est mis au courant, M. Georges Mas, camionneur. Un endroit est choisi où la statue pourrait disparaître momentanément. Il s'agit de L'Etang de la Maison Rouge au Sambreton, à la ferme de M. Paternotte. La date est fixée au mois de mars 1942.
Mais la supplique énergique du Conseil Municipal n'a pas été vaine et le 12 mars une lettre de M. Leleu, directeur des Fabriques Mécaniques à Lille, donne l'autorisation de surseoir à l'enlèvement.
Mais la statue de Dupleix elle-elle sauvée ? Non !
Le 17 décembre 1943, la préfecture, sur l'initiative du Ministre des Beaux-arts, somme le Maire de la livrer cette fois.
M. Bonnaire refusa catégoriquement, prétextant entre autres qu’aucune entreprise ne veut se charger de l'enlèvement. Le 21 avril I944, l’ordre est impératif. Mais le Maire persiste dans le refus de livraison (avec accusé de réception à la préfecture). Tout était prêt à nouveau pour l'enlèvement clandestin. Mais la manipulation d'une telle pièce (deux tonnes) n'était pas chose facile.
Quant au commandant allemand de la place de Landrecies, mis courant de ce refus, il ne voulut jamais se mêler de cette affaire, prétextant que cela ne regardait que les Français. Tel ne fut pas le cas  dans certaines villes françaises.
Malgré les ordres renouvelés avec menaces, Dupleix ne bougea pas de son socle. Puis vint la Libération. Et Dupleix assista à la victoire…

Mario Papa