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LE FAVRIL
Les pommes en Avesnois : un grand patrimoine méconnu…

C’est l’automne… et à l’heure où l’UNESCO vient de reconnaître les chants polyphoniques corses ou le tango argentin comme patrimoine immatériel de l’humanité, il paraît utile de s’intéresser à un autre patrimoine, tout aussi immatériel car il est génétique, gustatif et culinaire celui-là : c’est la pomme ! Nul n’ignore que l’Avesnois est un riche terroir herbager, historiquement tourné vers l’élevage bovin, qui s’est naturellement mué en pays de bocage au fur et à mesure des défrichements intervenus depuis le Moyen-âge tandis que reculait la vaste forêt charbonnière. Et dans ces prés bocagers, la tradition a longtemps entretenu la pratique du complantage d’arbres fruitiers, dont les pommiers, qui ont fait jadis la renommée de notre arrondissement. Hélas, les années et les arrachages intempestifs ont parfois raison de ces sentinelles des pâtures qui illuminent le ciel bleu et pur de mai lors de leur floraison sur fond de boutons d’or et il est nécessaire de perpétuer la présence des pommiers avant qu’ils ne sombrent dans l’histoire.
La tradition cidricole de l’Avesnois, aujourd’hui discrétionnaire, était depuis le XIXème siècle et encore avant-guerre très répandue et générait une activité économique florissante, au même titre que la Normandie ou la Bretagne d’aujourd’hui. Mais la pomme ne se limite pas à la production de cidres et autres jus de pommes. Que ne peut-on imaginer préparer comme délices avec ce fruit très accommodant ? Des gelées et des confitures aux compotes en passant par les pâtisseries tels que gâteaux, clafoutis, tartes, crumbles, beignets, chaussons ou riboches, à couteau, à cuire, à croquer ou à jus, cuite au four ou séchée en lamelles au-dessus de la cuisinière (figottes), il existe une quantité de manières de consommer la pomme. Il convient de préférence de parler des pommes car il en existe des centaines de variétés, nationales, mais aussi locales ou régionales, dont il est important de prendre conscience de l’intérêt patrimonial qu’elles constituent.
Ainsi, des inventaires menés dès 1984 sur le territoire ont permis de mettre en évidence l'importance de la richesse variétale fruitière du Nord/Pas-de-Calais et l'urgence de sauvegarder ce patrimoine exceptionnel. Le verger conservatoire régional de Villeneuve d'Ascq, créé depuis 1985, regroupe l'essentiel des variétés retrouvées et compte actuellement plus de 1300 variétés fruitières de pommiers, ainsi que de poiriers, cerisiers et pruniers. Le centre régional de ressources génétiques (CRRG) gère ce conservatoire, accessible aux amateurs intéressés par les variétés anciennes, testant les qualités des fruits (résistance aux maladies, aux ravageurs) pour leur réintroduction et leur rusticité adaptée à nos territoires. Il a ainsi vocation à :

Pour en savoir plus : http://www.enrx.fr/fr/patrimoine_genetique/
Nous rassemblons ci-après quelques mini-fiches qui ont le mérite de rappeler certaines espèces locales ou régionales dont les anciens se souviennent encore et qui mériteraient d’être à nouveau plantées :

Pommes – variétés Bon Ente – Haute-tige

Double belle fleur : variété hyper sélectionnée spécifique à la région - très demandée des parisiens - maturité fin octobre mi-novembre - 2 subdivisions le gros vert une pomme très grosse et très peu colorée - la charbonnière un peu plate et très colorée, la plus recherchée, se cuit assez facilement.
Petit Bon Ente : fruit de petit format - pomme à croquer assez rouge, rayée - maturité assez tardive novembre-décembre - bois de très bonne qualité arbre avec un très grand développement.
Belle fleur ou Rambour : fruit assez gros - très précoce maturité septembre-octobre - se cuit très facilement - de qualité gustative assez moyenne - qualité de l’arbre bonne.
Double à l’huile : pomme faisant partie des Bon Entes - pomme assez précoce devenant farineuse à la maturité - à consommer avant sa maturité en pomme à croquer.
Bon Ente belge : petite pomme à croquer spéciale à cuire - variété très productive - le bois se casse régulièrement sous le poids des fruits.
Marie Doudou : variété tardive de la famille des Bon Entes - un très bel aspect de forme -  assez plate et très goûteuse à manger en plein hiver (janvier-février) - fruit très sain.

       
       

Pommes à croquer de petite taille

Baguette (Red stick): petite pomme à croquer sur l’arbre - assez bonne conservation - de couleur très rouge qui provient probablement d’Angleterre (red qui veut dire en anglais rouge).
Gueule de mouton : pomme à croquer très tardive que l’on peut retrouver au printemps durant les travaux de printemps - spécifique de l’Avesnois, d’aspect gris, lisse, un peu rouge ou rayée de rouge et tâches de rousseur à certains endroits - bois très sain et dur. Son nom provient de sa forme en tête de mouton étant assez comique.
Colapuis : pomme d’origine de Bousies provenant de la contraction de son inventeur Colas Dupuis - forme du fruit assez comparable à la gueule de mouton en sa forme - très colorée d’un rouge vif un peu comparable à la baguette - maturité novembre-décembre.
Quarantaine : petite pomme à croquer assez plate d’un rouge violacé - variété très tardive et très rustique - son nom provient de sa petitesse car il fallait compter quarante fruits au kilo - à déguster au printemps suivant lors de travaux de printemps à la pause café – réputée également comme pomme à cidre.
Calville : pomme assez rare dans l’Avesnois mais de goût excellent et spécifique - fruit assez gros et régulier de conservation moyenne (novembre-décembre) -  peut être classée dans les pommes à croquer.
Marais : pomme du terroir et une des variétés les plus rustiques de l’Avesnois qui a bien failli disparaître - d’aspect vert, ressemblante à l’actuelle green anglaise en basse-tige - réservée à la cuisine (pâte à pommes) - assez spécifique par son acidité, écrasée et pressée, on en faisait un cidre sec qui venait assez souvent en mélange pour faire un cidre corsé et était exportée autrefois en grande quantité vers l’Allemagne. Ses qualités de très bonne conservation sont telles que les herbagers racontent que la marais était autrefois conservée en silos, recouverte de paille et de terre (comme les betteraves fourragères) et que dans ces conditions on la retrouvait intacte en avril-mai, prête à être commercialisée.
Gosselet : pomme créée à Le Favril dans la pépinière de Monsieur Gosselet à la rue du champ de Bousies au dessus du pont de la Riviérette, d’où son appellation au masculin : on dit LE Gosselet – variété très localisée sur Le Favril et Prisches - grosse pomme plate colorée d’un rouge violacé - la plus tardive des pommes - maturité au printemps suivant pouvant résister au mois de mai ou juin, réputée pour ses excellentes qualités de conservation - de goût assez agréable en pleine maturité.

Variétés de reinettes

Reinette de France : pomme du pays aussi répandue que la double belle fleur - reinette hyper sélectionnée très bien valorisée par le commerce - d’apparence assez plate, grise, à peau lisse et d’une couleur verminée sur la face exposée au soleil - bois assez mauvais et les branches cassent assez facilement - le feuillage est roulé et spécifique à la reinette.
Reinette du Canada : pomme provenant certainement de l’étranger - fruit très gros, très plat et se scindant en deux catégories, la première lisse et très verte et la seconde avec un aspect gris à peau de crapaud et un peu colorée au soleil - bois assez fragile avec un arbre assez imposant.
Reinette étoilée : petite pomme à croquer d’aspect rouge n'ayant pas d’aspect ni de ressemblance aux reinettes - son nom provient de petites tâches blanches (lenticelles) sur la peau rouge de la pomme - bois sain - maturité moyenne novembre-décembre.
Reinette de Coucy : pomme relativement grosse ressemblant aux pommes communes - assez colorée - conservation moyenne - goût assez spécifique - bois de très mauvaise qualité.
Reinette commune, dorée ou jaune : petite reinette assez lisse, colorée, rouge côté soleil -  pomme à croquer à chair fine - bois de bonne qualité - à consommer à la chute des pommes ou en novembre-décembre en compote - goût acidulé - agréable à cuisiner en tarte ou en chausson - faisait un excellent cidre pétillant et sec.

Alors, vous aimez les pommes ? Ne ratez pas l’opportunité que va offrir prochainement la 2C2M aux habitants de ses 10 communes membres pour participer à la replantation de fruitiers en lien avec le parc naturel régional de l’Avesnois et son action « Plantons le décor » dans le cadre de l’opération « Trames verte et bleue ».

Frédéric DAMIEN