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Histoire de la Légion d’honneur à Maroilles : François Naveau

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Le 19 mai 1802, le 1er consul Bonaparte fait publier le décret fondateur de la Légion d’honneur. Dans son esprit, elle doit être la plus haute des décorations nationales qui honorera également les militaires et les civils méritants, car la Nation ne fait qu’un. « Légion d’honneur, distinction de ne pas en être » persifle le philosophe Joseph Joubert (1754-1824). Peu de citoyens l’ont refusée : George Sand écrit ainsi au ministre Jules Simon qui veut la décorer en 1873 : « Ne faites pas cela, mon ami, je vous en prie. Vous me rendriez ridicule ! J’aurais l’air d’une vieille cantinière ! ». Car enfin, la pensée reste courante, l’étoile de la légion ne peut s’accrocher que sur la poitrine des braves soldats. La valeur guerrière ne manquait pas aux jeunes hommes de Maroilles en ce début du XIXe siècle, et quelques-uns d’entre eux en seront décorés. Voici l’histoire des premiers légionnaires maroillais.

Tableau de Philippe Auguste Hennequin : Napoléon au camp de Boulogne

Période du 1er Empire (1802-1814)
L’Empire va nommer quatre Maroillais au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Dès l’origine, on a distingué l’entrée dans l’ordre, soit immédiatement à la suite d’un acte héroïque, soit après 25 ans au service de la nation (le temps de guerre compte double). Les chevaliers (nommés ainsi à partir de 1808) sont alors regroupés en 16 cohortes sur l’ensemble des départements français. La 2e cohorte, celle des départements du Nord, est dirigée de l’abbaye Saint Waast d’Arras par le maréchal Mortier.
Les 1ères nominations datent du décret du 2 octobre 1803. Napoléon préside aux premières remises d’insignes qui ont lieu à Paris, aux Invalides, le 15 juillet 1804. Le 16 août, les suivantes seront distribuées au camp de Boulogne-sur-Mer par l’empereur en personne qui rêve alors d’envahir la perfide Albion.
120000 hommes y sont en armes, et lors d’une fastueuse cérémonie, plus de 2000 soldats de la République et de l’Empire recevront l’insigne. François Naveau en était-il ? L’histoire ne le précise pas, mais il est possible qu’il y fût décoré.

NAVEAU FRANCOIS

Né le 17 octobre 1773 à Maroilles, cet ancien caporal du 77e régiment d’infanterie de ligne est nommé chevalier de la Légion d’honneur pour prendre rang en date du 24 septembre 1803 (29 fructidor an X). Le dossier de ce fils de tailleur est lacunaire. Il porte dans l’ordre le n° 10617. Ses états de service mentionnent qu’il est militaire depuis le 10 septembre 1791 dans la 13e demi brigade de ligne, nommé caporal le 28 thermidor an III, incorporé au 77e de ligne le 16 nivôse an VII et mis en congé définitif le 14 frimaire de l’an XII. A la Restauration, le roi de France confirme sa nomination, ce qui nous apprend que François Naveau est à la retraite à Maroilles en juin 1823, après une carrière de garde forestier à Floyon, pays d’origine de sa mère. Il décède à Maroilles le 18 février 1850 alors qu’il est veuf de la Maroillaise Marie Joseph Brassart depuis 1821. Il l’avait épousée en 1811.
Lors des funérailles du conseiller municipal Armand Naveau en mars 1894, le maire Léopold Carion le qualifie de « bon patriote qui sait de qui tenir, car ses deux aïeuls, partis comme volontaires en 1792, héros parmi les milliers de héros de cette mémorable époque, étaient revenus à Maroilles tous deux décorés pour actions d’éclat ». C’est l’Annuaire Statistique du Nord de 1837 qui nous renseigne sur le motif de sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Il y est écrit qu’un « militaire, natif de Maroilles, s’est honoré par un acte d’intrépidité rare pendant les guerres de religion. Naveaux François, caporal à la 77e demi brigade d’infanterie de ligne, se trouvant le 13 brumaire an VIII à l’affaire de Guchem, fut enveloppé avec son détachement par 2000 chouans et s’ouvrit un passage à travers l’ennemi, après avoir perdu tous ses officiers et rallié les débris du détachement qu’il ramena à Vannes. Ce trait de bravoure valut à Naveaux un fusil d’honneur, dont le brevet lui fut délivré le 29 fructidor an X ». Le « fusil d’honneur » n’est autre que la décoration qui précéda la Légion d’honneur de quelques années. L’autre aïeul, celui du dessin, Augustin Joseph, avait également fière allure en cavalier du 1er régiment de carabiniers. Le dessin date de la guerre de Vendée. (A suivre)

Hervé Gournay de la Société Historique de Maroilles